Un jour de Pluie comme les Autres

Alors qu'elle remontait une étroite ruelle pavée, son panier chargé de course tomba par terre et répendit son contenu par terre, elle tomba à genoux. Elle tâchait de se dépêcher de rentrer au Centre Médico-Social sous la pluie battante vêtue de sa jolie robe et de son petit gilet blanc. Elle enfoui son visage dans ses mains et sanglota faiblement.
Elle avait promis aujourd'hui un riz à la sauce épaisse au légumes à ses patients. La plupart était déprimé, elle arrivait sans mal à les comprendre. Ce qu'elle ne comprennait pas, c'était l'absence de larmes. Elle était agitée de sanglots sans la moindre larme à verser. Lorsqu'elle était sortie indemne du Cataclysme, elle se demandait comment elle avait survécu à l'année qui avait suivi, une année de solitude, de larmes.
Elle entendit des bruits de pas s'arrêter devant elle et cessa aussitôt de gémir.

La pluie, GaJin aimait bien ça, elle aimait bien l'eau sous n'importe quelle forme, et ce depuis toujours, aussi cela ne la dérangeait pas de travailler sous la pluie, de toutes façons, elle était déjà trempée, alors un peu plus ou un peu moins...Une fois qu'elle eût vérifié tous les filets qui étaient censés contenir des poissons, elle rentra au village traînant derrière elle ses sacs. La seule chose qu'elle n'aimait pas dans son travail était d'entendre le bruit des poissons agonisant au fond des sacs, elle avait du mal à le supporter même, mais elle essayait tant bien que mal de faire abstraction, chantonnant pour couvrir le bruit.

A son premier passage dans les ruelles, elle ne croisa absolument personne. La pluie aidant, les ruelles étaient désertes. Elle se dépêcha d'aller mettre ses provisions dans de la glace afin de les garder frais pour les ventes qui s'établiraient un peu plus tard. Une fois que cela fût fait, elle voulut profiter encore un peu de la pluie, après tout, elle en avait le temps. Elle ressortit donc dans les ruelles et entreprit de faire le tour d'Hollowish. A présent, elle connaissait si bien le chemin qu'elle pouvait le faire les yeux fermés, ce qu'elle fit pour être en parfaite symbiose avec l'eau, en ressentir sa pureté...Comme toujours en revenant de la rivière, elle était exténuée, mais dans son obsession de ne pas vouloir dormir, cela au moins l'aidait à relâcher une certaine pression.

Quand au détour d'une ruelle, elle crût entendre des sanglots, intriguée, elle ouvrit les yeux. Qui pouvait bien, un jour de pluie pleurer au beau milieu d'une ruelle?
C'est là qu'elle vit Antoinette, à genoux, ses affaires éparpillées autour d'elle. Sans se demander si elle serait de trop ou pas, elle se pressa et l'aida à ramasser ce qui s'était répandu sur le sol.

Elle regarda Antoinette, bien sûr, les sanglots qu'elle avait entendu devaient provenir d'elle, mais GaJin connaissait assez la jeune femme pour savoir qu'il valait mieux pour elle qu'elle n'essaye pas de savoir des choses qu'elle ne devrait pas.
Aussi se contenta-t-elle de demander :

- Il y a quelque chose qui ne va pas?

Un livre tomba au sol, et Keiitaro retint un juron. La lumière ambiante était faible, due à la pluie, et dans les recoins les plus sombres de la bibliothèque cela devenait difficile de ranger les bouquins, ou de moins de voir précisément leurs titres pour les classer par ordre alphabétique.
Le japonais décida de lâcher l'affaire pour le moment. Après tout, il était là depuis tôt ce matin, et une pause ne lui ferait aucun mal.
Il posa les livres qu'ils tenaient sur le chariot métallique, et prit la direction de l'arrière-salle. L'ambiance était sombre, et même si ce n'était pas désagréable, Keiitaro soupira, maudissant intérieurement le temps qui l'empêcherait d'ouvrir et d'aérer la salle principale. L'humidité risquait fort de se faufiler à travers les pierres brutes du vieux bâtiment et d'imprégner les livres, et cela l'agaçait en avance. Il n'aurait plus après qu'à tous les vérifier et à passer les éditions abimées au sèche-cheveux.
Une fois arrivé dans l'arrière-salle, il se prépara un thé à la Pomme de Turquie -- dernier vestige d'une collection de thés rares qu'il avait commencé avant le Cataclysme, et regarda par la petite fenêtre en soufflant sur le liquide brulant.
Là, une scène intéressante se déroula sous ses yeux.
Un peu plus bas dans la petite rue, Antoinette avançait. Puis fit tomber ses affaires. Et puis... ne l'avait-il pas aperçue en train de sangloter? Deux secondes plus tard, GaJin avait fait son apparition, et s'était précipitée pour aider la jeune française.

* Tiens tiens, voilà qui est amusant... La pluie a des effets radicalement opposé sur les deux... *

Ses lèvres s'étirèrent en un quart de sourire, et il décida d'observer un peu plus l'action devant lui.
Peut-être interviendrait-il plus tard, mais pour le moment il prenait des notes mentales de ce qu'il voyait. Après tout cela pourrait toujours servir, qui sait...

Dès qu'elle eut perçu la voix de GaJin, les mains d'Antoinette retombèrent lentement et elle s'affaira à ramasser ses affaires.

- Ce...Je...Je suis un peu fatigué, et...j'ai eu un vertige, finit-elle par répondre la tête baissée. Je suis un peu grippée en ce moment et en sortant je n'ai pas vu qu'il pleuvait. De plus, l'autre soir j'ai passé la nuit à fouiller le village à la recherche de Timmy alors qu'il dormait dans le lit de son grand-frère, ajouta-t-elle en levant la tête, souriante. Mais je te remercie de t'inquiéter.

* Oui, Merci vraiment. *

Antoinette détestait paraître pitoyable ou s'attirer la moindre compassion à son égard. Depuis dix ans déjà elle vivait comme ça, tant que tout le monde pensait qu'elle allait bien, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Elle se releva un grand sourire sur le visage

- Et...et toi, que fais-tu ici? Qui plus est sans parapluie.

Les révélations d'Antoinette surprirent la jeune fille, GaJin ne s'attendait pas un seul instant a ce qu'elle lui parle de cette façon, et pourtant, elle se doutait que la jeune femme ne se livrait pas entièrement. C'était ainsi à Hollowish, presque tous les habitants partageaient cette même mélancolie. GaJin se demandait souvent si personne ne se confiait à elle à cause de son instabilité. Pas qu'elle veuille devenir la confidente de tout le monde, oh ça non, mais savoir que quelqu'un ait pleinement confiance en elle l'aiderait sûrement à ne pas penser qu'on la prenait pour une folle. Et puis, elle pouvait garder un secret, la preuve en était que cela faisait treize ans qu'elle gardait son propre secret.

Elle sourit à Antoinette et lui répondit :

- Je vois, ces petits jeunes n'en font vraiment qu'à leur tête, mais ne t'épuises pas trop, et puis si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésites pas.

GaJin était plutôt de bonne humeur, ce qui bien sûr pouvait changer d'une minute à l'autre, mais la pluie l'avait mise de bonne humeur, ce qui était une bonne chose après tout, cela lui donnait peut-être un peu plus de crédibilité.

Antoinette lui fit remarquer qu'elle n'avait pas de parapluie, ça la fait rire parce qu'elle n'était même pas sûre d'en avoir un chez elle, et pourtant, elle se savait d'une santé plutôt fragile, mais GaJin aimait tellement la pluie qu'elle s'en fichait bien de tomber malade, la pluie lui faisait le plus grand bien mentalement et c'était bien le plus important.

- Oh bah tu sais, je viens de rentrer de la rivière, et j'étais déjà trempée, alors un peu plus ou peu moins, pour ce que ça change..., répondit-elle en haussant les épaules.

C'est vrai qu'en récoltant du poisson dans la rivière, on avait peu de chance d'en ressortir autrement que mouillé. Quand il faisait beau, GaJin se laissait tout simplement sécher au soleil au lieu de rentrer chez elle se changer, car elle pensait que si c'était le cas, elle aurait des chances de s'endormir tellement la fatigue pouvait l'oppresser, aussi évitait-elle de rester chez elle tant qu'elle le pouvait. La vie de GaJin était au fond assez compliquée.

Et voilà qu'elles discutaient...
Keiitaro prit une gorgée de son thé sans lâcher la scène du regard, analysant la situation. Antoinette, déprimée, légèrement malade, tentant de passer pour parfaitement heureuse aux yeux de GaJin. Et GaJin, légèrement surexcitée, faisant usage de son bavardage habituel pour extirper quelques informations à Antoinette...
Il n'entendait pas tout, certes, et à dire vrai il lisait sur les lèvres plus qu'autre chose, mais il les connaissait assez pour imaginer la conversation sans aucun effort.
Finalement, lorsqu'il se rendit compte que sa tasse était vide, il soupira. Cela manquait terriblement d'originalité. Il se retourna pour poser le récipient sur son bureau, et constata qu'il avait des livres à ramener au Centre... Mmmmh, une bonne occasion de se mêler à la scène de la ruelle. Peut-être y aurait-il du nouveau, quelque chose à laquelle il ne s'attendait pas... Qui ne tente rien n'a rien.
Le bibliothécaire attrapa alors son sac à dos noir, y fourra cinq ouvrages d'une épaisseur caractéristique, nota sur son cahier de quels livres il s'agissaient, et mis son blazer en jean.
Deux minutes plus tard, il était sur la pas de la porte principale, fermant à clé. Il se tourna vers la place, grogna en constatant que ses lunettes étaient déjà trempées par la pluie, et ouvrit son parapluie. Et, tiens, quelques pas plus tard, quelle surprise, Antoinette et GaJin!
Keiitaro ricana et se racla la gorge, avançant assez pour que les filles aperçoivent l'ombre du parapluie.

- Et bien mesdemoiselles, on cherche à attraper une bronchite ou bien?

Antoinette adressa un sourire bienveillant à son interlocutrice.

- Tâches de sécher vite si tu ne veux pas tomber malade dans ce cas, j'ignore si j'aurai encore assez de bouillon pour toi.

Elle fut interrompu par l'arrivée inattendu de Keiitaro. Ce n'était pas dans ses habitudes de sortir ainsi et de se mêler à elles même si involontairement cela se produisait à de nombreuse reprise mais le sort en était responsable. Aussi Antoinette se demanda-t-elle si il avait vu toute la scène depuis la bibliothèque.

- Nous nous sommes croisées, expliqua Antoinette. Je ne me sentais pas très bien et j'ai eu un petit vertige. Et toi que fais-tu dehors par un temps pareil? Tu sais, tu deverais raccompagner GaJin chez elle, elle n'a pas de parapluie et habite relativement loin d'ici.

Oui, elle voulait que Keiitaro protège au mieux GaJin qui était si fragile à ses yeux et elle voulait surtout éloigner le jeune homme d'elle.

Sa tentative était restée vaine, mais est-ce que cela devait vraiment l'étonner? C'était toujours comme ça après tout.
Elle s'apprêtait à répondre qu'elle allait rentrer tout de suite afin de tranquilliser Antoinette qui s'inquiétait toujours pour le monde, puis aurait quand même fait ce qu'il lui plaisait, quand Keiitaro arriva.
GaJin était généralement assez contente de le voir, mais là, ce ne fût pas le cas, elle était même plutôt irritée; c'est vrai que ce n'était pas dans ses habitudes de se joindre ainsi à elles, vu leur emplacement, cela ne l'aurait pas étonnée qu'ils les aient épiées. Après avoir vécu autant d'années en sa compagnie, elle connaissait un peu ses façons de faire, et le savait tout à fait capable d'une telle chose.
D'habitude, elle ne s'en formalisait pas plus que ça, mais là c'était différent, allez savoir pourquoi, GaJin elle, n'essayait même plus de comprendre.

Elle fût encore plus irritée quand Antoinette lui recommanda de la raccompagner. Elle savait que la jeune femme ne voulait que son bien, mais cela l'enquiquinait , comme si elle n'était pas capable de se débrouiller par elle-même; d'accord elle était la cadette et son comportement était pour le plus souvent enfantin, mais tout de même.
Si elle avait été raisonnable, elle aurait accepté car elle savait très bien qu'elle pouvait en ressortir malade, mais GaJin n'était pas raisonnable, aussi ne comptait-elle pas se laisser faire.

Elle leur lança un regard noir à tous deux, et répondit :

- Ca va aller, je n'ai pas encore besoin d'un chaperon.

Ne prenant même pas la peine de cacher son irritation, puis elle recula de quelques pas pour rester hors d'atteinte, qui savait de quoi ils étaient capables...

Keiitaro ricana intérieurement. Ces demoiselles savaient changer d'humeur du tout au tout. Et sa propre présence agaçait. Amusant. Cela ne faisait que prouver encore plus à quel point ses idées sur la conversation qu'elles avaient eu étaient justes.

- Moi, dit-il pour répondre à Antoinette, je vais amener ces bouquins au Centre, le professeur les a réclamé pour ses élèves les plus doués. Mais vous, ajouta-t-il en pointant du doigt les deux filles, n'êtes que deux écervelées qui vont attraper une pneumonie. Et je ne compte ramener personne chez personne.

Car dire le contraire mettrait GaJin encore plus sur la défensive, et pour le moment il aurait bien voulu éviter. Et la Française paraissait trop aimable pour être honnête.
Il avança de quelques pas, passant entre les deux jeunes femmes, et se retourna vers elles.

- Mais, éventuellement, si quelqu'un veut partager ma route, je ne dirais pas non. A moins que vous ne vouliez pas du bibliothécaire comme compagnie?

Il resta posté là, attendant une quelconque réponse. Les choses devenaient amusantes, il aimait être insupportable.

* Et pas besoin de trop me forcer avec cette foutue pluie... *

Antoinete fronça les sourcils et s'apprêtait à répondre à la réplique cinglante de GaJin mais Keiitaro s'imposa.

* Comme il est agréable de voir combien nous sommes solidaire en ces temps durs *

Elle détourna son regard. Keiitaro rentrait aussi au Centre, ce qui était problématique, que devait-elle faire? Elle aussi rentrait au Centre mais en aucun cas elle ne voudrait se retrouver seule avec lui et GaJin venait séchement de refuser sa proposition. Elle allait faire un petit tour avant de rentrer, oui , de cette façon dans le pire des cas elle tomberait sur Keiitaro au Centre uniqument. Mais lorsqu'il passa entre les deux femmes...

- Je rentre aussi au Centre, j'ai fait des courses, dit-elle presque malgrè elle en montrant son panier. Nous n'avons qu'à rentrer ensemble, GaJin, vient donc avec nous. Tu rentreras chez toi quand la pluie se sera calmée, ce n'est pas prudent de rester dehors sans parapluie.

* C'est pas comme si j'avais le choix *

Si la jeune fille avait eût le temps de répliquer quoi que ce soit, elle aurait répondu qu'elle n'en voulait pas de la compagnie du bibliothécaire, elle n'était pas d'humeur et puis voilà, mais elle n'eût le temps de rien dire, et bien entendu, il fallait qu'Antoinette lui propose de les accompagner, enfin si on peut appeler ça une proposition, elle se retrouvait quasiment embarquée de force dans cette histoire.
Et puis d'ailleurs, qui avait dit qu'elle voulait rentrer chez elle? Ah vraiment, si elle avait sût que ça se terminerait comme ça, elle se serait abstenue d'aller l'aider et aurait continué sans chemin en faisant mine de n'avoir rien entendu.

Pour toute réponse, GaJin haussa les épaules. Cela valait peut-être mieux qu'elle se taise après tout, au moins, de cette façon, elle ne risquait pas de dire des choses qu'elle pourrait éventuellement regretter par après.
Cela dit, elle ne savait pas ce qu'elle allait faire au centre, elle évitait aussi cet endroit tant que possible, et puis quand on y repensait, elle ne faisait que tenir la chandelle, et ce n'était vraiment pas son style.
C'était tellement évident qu'Antoinette éprouvait quelque chose pour Keiitaro, même ça semblait être à sens unique et qu'elle essayait de le cacher du mieux qu'elle pouvait, il y avait toujours des signes qui ne trompent pas. GaJin s'en était aperçue, et le roi du décryptage devait s'en être rendu compte lui aussi, même si évidemment, il faisait comme si de rien n'était.
GaJin se demandait encore combien de temps ce petit jeu allait encore durer.

En tout cas, la jeune fille pouvait être fière d'elle, elle avait fait un incroyable travail d'intériorisation, il n'y a pas si longtemps, elle disait tout ce à quoi elle pensait, que ce soit du bon ou du mauvais, elle ne pouvait se contenir, ça commençait à s'améliorer.

N'empêche que maintenant elle marchait sous la pluie en compagnie d'Antoinette et de Keiitaro, vers ce centre qu'elle détestait tant, de jour comme de nuit, mais bien décidée à ne pas ouvrir la bouche tout le long du trajet du moins, après, elle verrait bien.

Lorsque les filles se décidèrent à le suivre, Keiitaro retint un sourire. Il avait encore réussi son coup. En temps normal, Antoinette aurait prétexté quelque chose, bien que d'une manière générale elle n'était pas contre la présence d'autres personnes. Mais GaJin, elle, vu l'air irrité qu'elle avait, aurait sans doute prit la tangente au premier virage. Et pourtant, elle était là.

* Selon le temps, elles ont des réactions diamétralement opposées et pas forcement prévisibles... Il faudra que j'étudie ça à fond... Un autre jour. *

Pour le moment, le Japonais se contentait de marcher, parapluie en main, ne cherchant pas à abriter qui que ce soit d'autre que lui. De toute façon, si elles étaient sorties sans rien, c'est qu'elles souhaitaient être trempées, non? Alors autant réaliser leur souhait. Lui, contrairement aux deux jeunes femmes, il avait ses lunettes à protéger, vu que les opticiens ne couraient plus vraiment les rues.
Un agréable silence prit place, et Keiitaro ne chercha en aucun cas à le rompre; ce genre de silence parlait plus que des mots, et de toute façon il n'avait rien à dire.
Parfois cependant, il aurait souhaité qu'elles fussent des hommes. Parce qu'elles auraient surement été moins variantes si ça avait été le cas, et surement plus malléables. Mais en même temps, se tenir au Conseil requiert de l'intelligence, et les hommes intelligents, c'était comme pour ces pauvres opticiens, ça courait pas les rues, et ce depuis la nuit des temps. Sur ce point, il se savait chanceux.

Tout à ses pensées, il ne fit pas attention au bruit de déchirement, et ne se retourna que lorsqu'un grand 'CRAAACK~' suivi d'une perte de poids caractérisée attirèrent son esprit. Mais il était trop tard.
La lanière de son sac à dos, avec le poids des livres, s'était cassée, et le malheureux sac avait atterri dans une flaque d'eau.

- Raaah, c'est pas vrai! Iya na tenki des'!

Keiitaro se retint de pousser plus de jurons, et ce quel qu'en fut la langue, et donna d'autorité son parapluie à GaJin qui était la plus proche.

- Tiens, abrite-moi.

Agacé, il s'accroupit en essayant de ne pas trop tacher son jean, et ramassa le sac. L'eau avait commencé à s'infiltrer à l'intérieur, et il y avait 70 pourcents de chance que les livres soient touchés. Il ouvrit donc la partie principale, et inspecta les ouvrages. Apparemment, il les avait secouru à temps.

Ils marchèrent tous trois dans un petit silence de fond. Antoinette donnerait n'importe quoi pour être ailleurs en ce moment, elle sentait que Keiitaro soupçonnait le moindre résidu de sentiment qu'elle éprouvait pour lui. Cette impression d'être sondée avec succès la mis dans l'embarras le plus complet mais après tout cela lui faisait oublier ses cauchemards et ses angoisses alors pourquoi pas?
Pour Antoinette, il était hors de question de perdre la face devant Keiitaro cependant elle ne le laisserait se réjouir de la voir l'éviter sans succès. Elle ferait comme si de rien n'était dans ce cas, et n'y prêterait aucune attention. Il en allait de son honneur, de son amour propre. Celui même qui s'était égaré lorsqu'elle avait frôlé l'amour d'un homme.

* Je me demande, pourquoi il est comme ça. Mais ça me paraît si évident et si puéril et idiot que je peine à le croire. *

Keiitaro savait que toutes deux ne souhaitaient pas être là. Arrivé au terme de ce résonnement, Antoinette fronça les sourcils. Un grand splash suivit. La lanière du sac de Keiitaro s'était rompu et il l'avait ramassé aussitôt pour ne pas que ses précieux livres ne soient abîmés par l'eau.

- Quelque chose qui ne va pas? dit-elle en s'arrêtant faisant mine de ne pas avoir vu précédemment s'arrêter GaJin et Keiitaro.

Oui, Antoinette était irritée par le comportement de Keiitaro.

Le sac céda et se retrouva au beau milieu d'une flaque d'eau. GaJin quant à elle se retrouva affublée du parapluie de Keiitaro, ayant pour mission de l'abriter. Elle se demanda un instant si le mot "bonniche" était écrit sur son front, mais obéis docilement, car en temps normal, elle aurait tout envoyé valser, et serait retournée à ses occupations, car elle avait quand même autre chose à faire que de rester plantée là comme un piquet. Cependant, elle ne l'aida pas à ramasser ses livres, estimant qu'elle en faisait déjà suffisamment ainsi.

En revanche, elle s'était attendue à ce qu'Antoinette se précipite elle, ce qui ne fût pas le cas à sa grande surprise. Au contraire, la jeune femme agît comme si il ne s'était absolument rien passé. GaJin trouva ça amusant, et un petit sourire s'afficha sur son visage. Etait-elle en train de se rebeller? Elle aurait bien aimer savoir ce qui avait provoquer ce brusque changement de situations. A vrai dire, elle ne connaissait pas grand chose d'Antoinette non plus, car il était vrai qu'elle essayait rarement d'en savoir plus sur la vie d'autrui si ils ne souhaitaient pas en parler, ce qui était le cas pour Antoinette et Keiitaro...et le reste des villageois, ou une grande majorité tout du moins.

Manifestement, Keiitaro avait réussi à éviter le pire, ces livres étaient tellement précieux pour lui que GaJin presque de la sympathie pour lui. Oui presque, car même si il ne lui avait techniquement rien fait, son irritation était toujours là, et il était difficile de s'en défaire.
Quand il eût finit de s'assurer qu'il n'y avait pas trop de dégâts, au lieu de lui rendre son parapluie sans lui demander si il voulait de l'aide pour porter les différents livres, elle continua à l'abriter tout en restant elle-même en retrait, toujours sous la pluie, puisque de toutes façons, c'était ce qu'elle voulait.
Une fois de plus, elle pensa préférable de garder le silence.

* Bon, du coup je vais devoir porter le sac dans mes bras... Faudrait pas que la deuxième bretelle casse. *

Il se retourna vers les deux autres personnes présentes, et fronça les sourcils.
Antoinette faisait comme si de rien n'était, attendant paisiblement que Keiitaro finisse son affaire, et GaJin, elle, s'était accaparé le parapluie, toujours l'air aussi ronchon. Conclusion, sa présence ne plaisait à aucune des deux filles, et ça commençait à l'agacer qu'elles agissent comme des gamines trop gâtées à qui on aurait supprimer leurs jouets préférés.
Il les regarda, ses yeux passant de l'une à l'autre, puis ricana, avant d'éclater carrément de rire.
Ils devaient avoir l'air malins tout les trois, sous la pluie, et lui à moitié par terre avec son sac serré contre lui comme un trésor.
Rigolant toujours, il enleva ses lunettes --chose exceptionnelle--, les mis dans la poche de son blazer, se releva et prit la direction du Centre.
Vraiment, cette journée était étrange de tout les points de vue.

Elle le regardait rire comme un dément et soupira. Elle lui courru après et lui arrancha ce qui restait de son sac pour le mettre dans son panier. Elle le fit rentrer sans peine par dessus ses courses et avança sou les yeux des deux autres.
Oui, continuer et ne pas se retourner, faire comme si de rien n'était, c'est ainsi qu'il fallait raisonner. Se satisfaire d'être là, sans soucis à l'horizon, sans se préoccuper de ce qu'il adviendra de demain, se réjouir d'être aujourd'hui en paix, c'est tout. Cela pouvait paraître anodin mais pour Antoinette tout était lié, la façon dont elle se comportait, la façon dont elle pensait, dont elle vivait. Tout. Et tout commençait avec sa perception et son approche des autres, ceux qui au cours de sa vie lui avaient tant de mal.

Au bout de quelques pas, elle s'aperçu que GaJin et Keiitaro la regardaient sans bouger sous la pluie comme des statues de pierre, elle se retourna alors vers les deux compères:

- Ben alors qu'est ce que vous faites? GaJin? Keiitaro?

* Il faut tout leur dire? Même quand ils doivent marcher? *

Elle avança persuadée qu'ils allaient la suivre. Aucun n'avança pour autant.

* Oui, c'est cela.*

- Je ne vous ai pas tout dit, dit-elle dans un soupire en contemplant le sol son panier serré contre elle. Je veux que vous veniez au centre pour m'aider, je suis débordée et je suis très fatiguée. Je suis très occupée, j'aurai besoin de vous et je sais pertinamment que vous n'avez rien d'autre à faire de la journée.

Elle se tourna alors et repris le chemin un sourire aux lèvres.

Quelle mouche pouvait bien piquer Antoinette, GaJin resta un moment interloquée. Peut-être qu'elle n'était pas la seule à avoir ce genre de saute d'humeur finalement. La réaction de Keiitaro était pourtant prévisible, on peut le dire, il n'avait pas l'air très intelligents tous les trois sous la pluie à ronchonner, chacun pour ses propres raisons.
Encore une fois, GaJin n'essaya pas d'y comprendre quelque chose; et après on venait dire que c'était elle qui avait un comportement bizarre, c'était n'importe quoi.

Quand Antoinette s'expliqua sur ses raisons pour leur avoir demander de l'aide, elle ne pût s'empêcher de se dire qu'en l'occurrence, elle s'était trompée, GaJin avait d'autres choses à faire, mais il est vrai que ce n'était pas pour tout de suite, ce ne serait que pour plus tard, ce qui faisait donc qu'elle ne pouvait lui refuser son aide.
Elle hocha donc la tête, en signe d'approbation, même si l'idée de passer presque l'entièreté de sa journée au centre ne l'enchantait guère.

Maintenant que Keiitaro n'avait plus à porter son sac, elle lui rendit son parapluie, puis reprit également le chemin du centre, mais préféra rester en retrait, car elle avait un mauvais pressentiment, et cela depuis le début, et à chaque fois que l'on parlait du centre pour tout dire.
Généralement, elle le fuyait comme la peste, de mémoire, elle ne se rappelait pas y avoir jamais mis les pieds; elle n'avait encore jamais été assez malade que pour s'y faire soigner, et même si elle était encore jeune à l'époque où elle était arrivée à Hollowish, elle avait refusé tout net d'aller y étudier.

Des frissons la parcoururent lorsqu'ils arrivèrent enfin à proximité de l'établissement, mais était-ce l'appréhension, le fait qu'elle soit restée autant de temps sous la pluie, ou encore y avait-il vraiment quelque chose de bizarre dans cet endroit? Elle n'aurait sût le dire.

Keiitaro souriait encore plus.
Antoinette s'était enfin réveillée de sa torpeur neuronale. Elle avait même fini par trouver une excuse plus ou moins bidon. Les choses allaient donc vraiment prendre une tournure plus à son goût.
Il récupéra son parapluie, que GaJin lui tendait presque agressivement, et suivit les deux jeunes femmes sans se départir de son sourire satisfait. Il savait pertinemment à quel point la Coréenne souhaitait éviter le Centre Culturo-Médicinal, et la perspective de la voir y entrer -- plus ou moins de gré ou de force merci Antoinette -- le rendait assez jubilant. Il y avait bien des facettes de la personnalités de ses deux camarades qu'il ne connaissait pas, et ceci était l'occasion de les découvrir.

Cela dit, il se devait de retrouver son calme. Autant d'expression de bonne humeur était inutile. Il inspira un grand coup, expira, et son visage retrouva son impassibilité habituelle. Il continua donc sa route, une main dans la poche et l'autre tenant le parapluie.

Ils se retrouvèrent enfin tout les trois devant le portail du Centre, grand ouvert la journée, et déjà il vit GaJin ralentir.

- Tu sais, dit-il en passant à côté d'elle, si tu n'as envie de venir personne ne t'y obliges.

Et oui, il savait être condescendant aussi.

[ooc : on continue dans le topic du Centre Culturo-Medicinal?]

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